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Projet de recherche à Francfort concernant la logistique urbaine

Une équipe de l’université de Francfort a analysé ce que pourrait apporter un tram logistique pour la livraison des colis en centre-ville. Différentes configurations de livraisons ont été testées.

En Allemagne, 68,3 % du transport de marchandises se fait par route, 20,7 % par voie d’eau et 10,9 % par rail. À l’avenir, de fortes hausses sont prévues. L’augmentation du commerce en ligne est l’une des raisons de cette hausse du trafic car le marché des services de messagerie, de courrier express et de colis (CEP) a connu une très forte croissance en Allemagne ces dernières années. Par rapport à l’année 2000, 3,5 milliards d’articles ont été livrés en 2018 (+108%). En 2023, 4,43 milliards d’articles devraient être livrés (soit +262% par rapport à 2000). L’augmentation du trafic qui en résulte provoque de plus en plus de conflits d’usage dans les centres-villes. De multiples projets ont déjà tenté de trouver des solutions pour la livraison du dernier kilomètre en milieu urbain.

L’équipe de recherche du Research Lab for Urban Transport (ReLUT) de l’Université des Sciences Appliquées de Francfort (Frankfurt UAS) a analysé l’intégration du « tramway logistique » dans la livraison de colis dans le centre-ville de Francfort-sur-le-Main. Les partenaires du projet étaient l’entreprise de transport public Verkehrsgesellschaft Frankfurt am Main mbH (VGF) et Hermes Kurier-Express-Paket-Dienst (KEP).

L’étude du ReLUT a eu l’immense mérite de comparer les réseaux de tram de plusieurs villes européennes et mondiales, dont… Saint-Étienne, en France. On y constate que les concepts de tram-cargo sont en exploitation régulière à Dresde, Zurich et Kyoto. Des essais pilotes ont aussi été réalisés à Delhi, Sapporo, Tokyo, Amsterdam, Saint Étienne et Vienne, mais sans que cela n’ait permis un fonctionnement régulier. Des études de faisabilité sont menées à Nea Smirni, Belgrade, Barcelone, Istanbul et Newcastle.

Dans tous les exemples examinés, l’étude constate que les concepts qui sont encore utilisés aujourd’hui sont les mêmes que ceux du début des années 2000, prouvant par là qu’il n’y a pas eu de réel saut technologique en 20 ans. Depuis 2011, de plus en plus de projets pilotes, d’études de faisabilité et de réflexions ont été menés afin de transférer les livraisons urbaines vers le tram. Cela montre l’intérêt porté à la question, tout particulièrement ces derniers temps en raison des objectifs climatiques européens.

Lors d’un essai pilote, Hermes, numéro trois allemand du colis avec 14% du marché, a fourni un vélo-cargo électrique provenant de son propre dépôt ainsi que deux modèles de petits conteneurs cargo roulants. Le tram appartenait quant à lui au transporteur public VGF. Utile précision, il s’agit d’un tram voyageurs classique et n’est en rien un modèle cargo comme il en existe à Dresde. Ce tram s’est rendu à un arrêt sélectionné au centre-ville où des coursiers avec vélos électriques ont pris en charge les colis et ont ensuite effectué la livraison. On sait par avance que dans ce type de projets, tous les détails doivent impérativement être étudiés sur l’ensemble de la chaîne, sous peine d’invalider le concept. Qu’à retenu le ReLUT de Francfort ?

Afin de pouvoir enquêter le plus loin possible sur les processus de livraison, les scientifiques ont choisi des arrêts qui ne sont pas utilisés en temps normal comme postes de chargement et de déchargement, tout en évitant les perturbations pour les usagers en journée, le réseau de tramway fonctionnant par ailleurs normalement. Pour ces tests, des arrêts moins servis en heures creuses furent choisis et bien entendu, le tram test en question ne transportait aucun passager, car ce n’est pas autorisé par la loi. L’opérateur public avait choisi un trajet partant du dépôt de Gutleut. Pour le déchargement, la “Messeschleife” (le centre de congrès de la ville) a été sélectionnée car il s’agit d’une boucle qui n’est desservie que de manière irrégulière par le trafic passagers. Ainsi, le tramway pouvait resté sur place suffisamment longtemps durant le test pour analyser les opérations de chargement et de déchargement.

Une condition préalable cependant était l’utilisation d’un tramway à plancher bas, mais en dépit de cela, il est vite apparu que des rampes étaient nécessaires, lesquelles sont incompatibles avec un arrêt voyageurs et demande une grande précision d’arrêt de la part du conducteur de tram.

Deux caisses de transport adaptée au transport par tramway, chacune avec des roues différentes, furent développées par Hermès et testées dans le cadre du projet. Des tapis de protection en caoutchouc ont été posés dans les zones d’entrée du tram, ce qui poserait problème aux personnes à mobilité réduite. Ils permettent d’éviter d’endommager l’habitacle lors du chargement et du déchargement et d’empêcher les caisses de transport de glisser en cas de freinage d’urgence.

D’autres inconvénients ont également été constatés : le volume des tramways voyageurs est limité. Et pour cause : les caisses mobiles, mêmes adaptées, ne peuvent prendre place que sur les seules plateformes d’accès, et bien évidemment pas sur les sièges.

La dernière étape par vélo-cargo est particulièrement intéressante. Il s’agit de vélos électriques à quatre roues avec, à l’avant, le siège du conducteur et à l’arrière, la ou les boîte(s) de transport sur une sorte de rack sur lequel elles roulent. Ce Velove Armadillo E-Cargobike est en effet disponible en versions à quatre (pour une boîte de transport) ou six roues (pour deux boîtes de transport).

Le vélo seul pèse 67 kg, mais avec sa batterie et les caisses de transport, il atteint 350 kg. Malgré ses grandes dimensions, cet engin dispose d’un rayon de braquage de 5,8 m. Le véhicule est équipé de freins hydrauliques et mécaniques, ces derniers étant utilisés pour le stationnement. Le moteur électrique Pedelec de 250 watts peut accélérer jusqu’à 25 km/h. Les caisses de transport sont situées derrière le siège du conducteur. Cela permet au livreur d’avoir une vue claire de la route. Les boîtes de transport ont un volume de 1 m³ et peuvent contenir jusqu’à 80 petits colis, mais tout dépend bien-sûr ce qu’on appelle “colis” ! Les caisses de transport et le vélo peuvent être verrouillées par radio. Cela les protège contre le vol et le vandalisme, vu le prix d’un tel engin qui avoisine tout de même les 8.000€.

On remarquera aussi que ne pas avoir un tram à plancher ultra-bas est un atout pour les vélos de Velove Armadillo, lesquels on leur plancher de remorque assez haut.

Un autre vélo a participé aux tests. Le système Riemann est plus classique et consiste en une remorque sur laquelle se trouve la boîte de transport et un vélo électrique auquel la remorque peut être attachée. Théoriquement, n’importe quel vélo peut tirer ce type de remorque, mais le volume total de la caisse de transport est d’environ 0,7 m³. La remorque a trois roues et les caisses de transport sont soulevées remorque par un système hydraulique. Le couvercle de la boîte de transport est également équipé d’un dispositif d’ouverture hydraulique. Le système complet, composé d’un vélo et d’une remorque, a une longueur totale de 3,0 à 4,0 m, selon le type de vélo utilisé.

D’un point de vue économique, la livraison par tramway coûterait en moyenne 1,93 euro par colis. Dans le cas des émissions de CO2 , par exemple, le tramway pourrait économiser 57% dans un processus de livraison en trois étapes. « Si 89 déplacements par jour étaient effectués par tram, vous pourriez économiser 199,76 tonnes de CO2 par an, ce qui correspond à l’émission de 77 voitures avec un kilométrage annuel de 13.500 kilomètres », résume le professeur Dr. Kai-Oliver Schocke du ReLUT. Mais attention, il s’agit ici de l’utilisation de tram voyageurs “temporairement configurés”, le temps du transport, ce qui diminue les coûts d’achat en évitant la spécialisation, ce qui diffère complètement du tram cargo de Dresde, lequel est à l’inverse “spécialisé” et donc plus coûteux.

L’étude ne manque pas de souligner non plus que seuls les colis de petite et moyenne taille peuvent être transportés avec le vélo de livraison. Les colis plus volumineux, qui ne se prêtent pas au transport sur le dernier kilomètre sur un vélo-cargo, ainsi que les marchandises encombrantes, devront toujours être livrés par un véhicule motorisé de plus grande taille.

Il n’empêche qu’à l’analyse, il apparaît clairement qu’une large couverture de la zone de livraison, en prenant l’exemple de Hermes, est rendue possible par la combinaison du tram-cargo et du vélo-cargo sur le “dernier kilomètre” à Francfort. Sur base du projet de recherche KoMoDo initié par le bureau LNC LogisticNetwork Consultants GmbH, un rayon de livraison de 3 km est supposé fiable pour la livraison par vélo-cargo. Il est donc possible d’économiser des véhicules traditionnels sur une vaste zone.

Cette première analyse positive demande cependant encore des recherches plus poussées : quelles sont les exigences relatives aux tramways, aux arrêts, aux conteneurs et aux utilisateurs ? Tout cela doit être analysé plus en détails. Les caisses de transport, compatibles avec les tramways, les vélos cargo et les arrêts desservis, doivent encore être développées. D’autres scénarios de tramway et leurs effets sur l’environnement doivent encore être simulés. Enfin, d’autres réseaux ferroviaires comme par exemple les métros, doivent également être pris en compte dans l’analyse et la comparaison.

Ce type d’étude est hautement souhaitable afin d’obtenir des certitudes sur la faisabilité technique et économique du cargo-tram, avant que d’aucun ne s’envole dans des utopies sans lendemain. Le monde d’après ne se fera pas sans les acquis du monde d’avant…

Mediarail / Frédéric de Kemmeter

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