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Comment les autoroutes ferroviaires réinventent le fret

Pourquoi les autoroutes ferroviaires sont-elles amenées à jouer un rôle de plus en plus important dans le transport de marchandises ? Thierry Le Guilloux, président de VIIA, nous explique comment ce service de ferroutage réinvente le fret ferroviaire en Europe.

Comment les autoroutes ferroviaires réinventent le fret
Au sein du groupe SNCF, VIIA opère des autoroutes ferroviaires qui permettent de transporter aisément par train des semi-remorques. Ce nouveau type de transport combiné rail/route, qui a tiré son épingle du jeu pendant la crise sanitaire, contribue ainsi à désengorger le trafic routier. Intéressant d’un point de vue économique, ce service s’inscrit dans le droit fil de la politique européenne de réduction des émissions de CO2, alors que l’U.E. s’est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050. Aujourd’hui, VIIA pilote 4 lignes, mais se prépare déjà à lancer de nouveaux axes dans les années à venir. Explications.

En quoi l’autoroute ferroviaire est-elle une alternative au « tout-routier » pour le fret longue distance ?

Elle représente, pour les transporteurs routiers, un service de ferroutage flexible et intéressant d’un point de vue économique. Je m’explique : jusqu’à présent, pour utiliser les transports combinés rail/route et acheminer leurs marchandises, ces derniers devaient, au préalable, investir dans des caisses mobiles ou dans des semi-remorques préhensibles. Cette solution logistique suscite donc des réserves, du fait de son coût. Le concept d’autoroute ferroviaire a justement pour but de lutter contre ces réticences, d’inciter les les transporteurs routiers à reprendre le train.

De quelle manière ?

En proposant, en premier lieu, une solution matérielle novatrice, puisque nos autoroutes ferroviaires prennent en charge les semi-remorques traditionnels, qui constituent 90% du parc routier en Europe. Ainsi sont-ils chargés de manière horizontale afin d’éviter de les plier.

Est-ce là l’unique innovation ?

Dans la même logique, nous avons aussi ouvert nos terminaux 24h/24 et 7j/7, de façon à ce que les transporteurs n’aient pas à réorganiser leurs horaires de chargement ou de déchargement chez leurs clients. Chaque transporteur routier peut venir à tout moment afin d’y déposer une semi-remorque, en accrocher une autre, puis repartir. Autre point important, l’augmentation de la fréquence de nos convois. Auparavant, le fait de ne pouvoir compter que sur une liaison par jour créait chez les transporteurs de l’inquiétude et ce, en raison des aléas rencontrés hors du rail : embouteillages, retards, soucis divers lors du chargement, etc.
Qu’est-ce-qui différencie foncièrement les autoroutes ferroviaires du fret routier?

C’est surtout une philosophie et une approche différentes du marché. Car, nous ne sommes pas dans un conflit route contre fer. Nous essayons, au contraire, de construire un service commun qui allie les qualités de la route, comme l’accessibilité ou la réactivité, à la puissance du ferroviaire sur la longue distance, du fait notamment de la massification.

Pourtant, vos autoroutes ne peuvent pas couvrir toutes les liaisons possibles…

Certes, car elles sont dimensionnées, du fait de la fréquence de trains nécessaire, pour des volumes de marchandises très importants. Mais nous parions sur le fait que les transporteurs routiers, une fois acquis au ferroviaire sans avoir eu besoin d’investir, pourront financer l'achat de matériel spécifique dans le but d’utiliser les autres services de transport combiné.

Quelle est la nature de votre collaboration avec les autres entités de la SNCF ?

Pour mettre en place ces services et les faire fonctionner, nous avons besoin de wagons, de terminaux et de traction ferroviaire. Pour cela, nous travaillons majoritairement avec Fret SNCF, mais nous utilisons également les services de Mercitalia Rail1 en Italie ou de Renfe2 en Espagne.

Et pour ce qui est de l’infrastructure ferroviaire ?

Notre collaboration avec SNCF Réseau est évidemment très importante. D’ailleurs notre mode d’utilisation du réseau ressemble à celui du voyageur : nous exploitons, nous aussi, des navettes cadencées3 sur nos autoroutes ferroviaires, ce qui n’est pas le cas du fret ferroviaire. Nous avons donc besoin de sillons répartis tout au long de la semaine mais aussi de la journée. Ce qui peut être parfois compliqué en cas de travaux sur le réseau. Or, nous avons quotidiennement besoin de faire circuler des trains et ce, à n’importe quelle heure et sur de très longues distances.

Quel rôle a joué l’autoroute ferroviaire en période de crise sanitaire ?

Nous avons vécu un véritable bouleversement de notre trafic. La moitié de l’activité a disparu, comme l’approvisionnement de pièces pour les usines automobiles et l’acheminement de tout ce qui est vêtements, articles de sport ou de jardinerie, meubles, etc. En parallèle, le transport frigorifique s’est accru de manière très marquée. Les fruits et légumes représentent 90% de ce dernier, et les 10% restants sont des produits de pharmacie. Ce transport a doublé et représente aujourd’hui près de la moitié de notre activité. L’acheminement de marchandises dites chimiques a également augmenté. Une seule activité est restée stable : la citerne alimentaire qui concerne, pour l’essentiel, le transport de vins.

Est-ce-que cette crise rend votre service d’autant plus pertinent ?

Le transport frigorifique comme le transport en vrac dédié à la chimie, qui constitue l’essentiel de notre acheminement, ont, en effet, permis aux transporteurs routiers de maintenir leur activité. Vous savez, un conducteur, partant du sud de l’Espagne pour livrer le nord de l’Europe, met dix jours à effectuer ce trajet. Or, s’il n’y a pas d’endroits où s’arrêter et manger, cela devient très compliqué de faire parcourir de si longues distances à des conducteurs. Intégrer un segment ferroviaire dans ces parcours apparaît de plus en plus pertinent aux transporteurs routiers. Et d’autant plus que nos autoroutes ne nécessitent aucun matériel spécifique… Le transport combiné assure donc largement sa part de l’effort : nous effectuons à peu près 80% de notre activité habituelle. Avec des lignes qui enregistrent presque leur volume habituel.

Comment vous êtes-vous adaptés ?

Nous sommes actifs sur deux axes : celui qui relie Calais à l’Italie et un autre qui relie le port français à l’Espagne. Le premier a été interrompu du fait d’une exploitation insuffisante par rapport aux besoins des routiers. Et pour ce qui est de l’Espagne, si nos trains partaient précédemment vers Le Boulou, Perpignan et Barcelone, nous avons décidé de tout regrouper au Boulou depuis le début de la crise. Nous sommes ainsi parvenus à garder une fréquence élevée avec un niveau de qualité et de remplissage corrects. Et il était aussi plus simple d’organiser des modes de travail dans le respect des gestes barrière sur un seul site plutôt que sur plusieurs petits sites.
Les difficultés liées au confinement ont-elles été importantes ?

Nos équipes ont été formidables et ont continué à travailler assidûment malgré ces contraintes. Nous avons eu très peu d’employés touchés par le virus. Il y a eu seulement quelques arrêts par précaution. Des manières de travailler spécifiques ont été mises au point - horaires décalés, répartition différente des accès aux cantines ou aux vestiaires -, afin de garantir la distanciation sociale et ainsi, la sécurité de nos salariés comme des conducteurs routiers. Le hasard a fait que nous lancions justement, alors que la pandémie démarrait, une application, appelée « VIIA Drive », qui facilite la réception sur le site en limitant au strict minimum les contacts.

Outre l’aspect strictement sanitaire, quelles autres mesures ont été prises ?

Elles sont aussi d’ordre tarifaire. Le changement de structure des flux au profit de l’alimentaire a, en effet, créé un grand déséquilibre entre le nord et le sud. Car, en temps normal, nous acheminons les marchandises alimentaires du sud vers le nord, et les marchandises industrielles du nord vers le sud. En réduisant le tarif de transport des semi-remorques frigorifiques revenant à vide dans le sud, nous avons contribué à maintenir l’approvisionnement des marchés du nord de la France, de la Belgique, du Luxembourg, de l’Allemagne, de l’Angleterre, etc...

Quelles sont vos priorités post-crise sanitaire ?

Notre objectif, pendant les 18 mois à venir, est de déployer les lignes au départ de Calais. Ces services n’ont pas encore trouvé leur rythme de croisière, ni en termes de remplissage des trains, ni en termes de fréquence. C’est dû à différents événements, qu’il s’agisse des grèves passées mais également d’incidents graves, tels la coulée de boue sur la voie ferré en Haute-Savoie ayant coupé la route vers l’Italie, mais aussi l’effondrement du ballast vers Béziers en direction de l’Espagne, et puis, maintenant, cette pandémie… Nous allons donc augmenter très significativement les volumes transportés. De même, nous allons redémarrer le service au départ du Luxembourg à destination de Barcelone, service que nous avions regroupé au Boulou pendant la crise sanitaire.

Et quant aux autres projets de développement ?

Ils ne se concrétiseront pas avant 2023, car ils nécessitent le développement de nouvelles relations ainsi que d’importants investissements. Mais une chose est sûre, les autoroutes ferroviaires ont un potentiel de développement plus important, à l’avenir, que les autres services de fret ferroviaire conventionnel.

Dans quelle mesure ?

Dans les prochaines années, le transport combiné va être une solution forte pour répondre aux enjeux environnementaux. Nous voulons transférer de la route vers le fer un volume conséquent de marchandises transportées, mais en travaillant avec les routiers et non contre eux. Jusqu’à il y a encore deux ans, pour nos clients, la performance écologique de notre service ne semblait pas peser dans la balance. Or depuis, cet argument gagne du terrain auprès des chargeurs, c’est-à-dire les clients de nos clients. Bien sûr, le prix est toujours le facteur décisif, mais le souci de protéger l’environnement a clairement progressé.

Quel est l’impact, en termes d’émission de CO2, des autoroutes ferroviaires par rapport au transport routier ?

On considère en général que le transport combiné représente une économie de 85% de CO2 par rapport à la route. Mais nous trouvons plus simple de dire que nous visons un impact zéro sur le CO2. Et pour atteindre cette neutralité carbone, une politique ambitieuse, visant à décarboner au maximum nos opérations, a été mise en place. D’ailleurs, depuis cette année, nous sommes neutres en carbone grâce à des actions destinées à compenser nos émissions : nous avons signé dans ce sens un partenariat avec l’Office national des forêts afin de planter des parcelles à proximité de nos sites d’exploitation, pour l’essentiel en France et au Luxembourg. Mais notre réel objectif à terme, c’est que nos émissions de carbone soient les plus proches possibles de zéro, sans recourir à des compensations.

Comment comptez-vous y parvenir ?

Nous avons élaboré tout un plan d’actions diverses. Par exemple, avec Fret SNCF, nous prévoyons d’acheter une électricité encore moins carbonée. Nous essayons de privilégier un peu partout l’électrique, en introduisant des tracteurs électriques pour la manutention sur les terminaux, en révisant l’éclairage dans nos plateformes, en utilisant des véhicules électriques sur nos sites ; aujourd’hui, environ 30% des voitures de service utilisées sont électriques. Voici comment nous éliminons progressivement toutes les sources d’émissions de CO2. Et en attendant d’avoir fini ce travail de longue haleine, on compense. Ce qui nous permet de dire que nous sommes déjà neutres en carbone, en 2020.

Cette neutralité carbone a, d’ores et déjà, un impact plus important qu’escompté et nous apporte des contrats supplémentaires auprès de clients renommés. À la clef, une augmentation du trafic, prévue pour début 2021, qui va venir, je pense, confirmer l’intérêt commercial de cette démarche durable.

www.sncf.com


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