Rejoignez nos 155 000 followers (pour IMP)

lerail.com
MEDIAWORLD

La Creuse expérimentera-t-elle le premier « RER rural » sans conducteur ?

Les ruraux dépensent en moyenne 240 euros par mois pour leurs trajets domicile-travail en voiture. La navette ferroviaire autonome se présente comme une alternative écologique et économique.

Une étude a été menée sur cinq petites lignes TER menacées du Massif central. NGV rail, l'un des deux projets d'« autocar sur rails » sans conducteur les plus aboutis en France, a pris la ligne Guéret-Felletin comme support. Le point sur cette innovation en six questions.

Quels sont les avantages de la navette ferroviaire autonome par rapport à un autorail TER classique ?

L’économie en moyens humains n’est pas mise en avant comme le principal critère par les promoteurs de la navette ferroviaire autonome. Techniquement, son premier atout, c’est son poids. Christophe Russ, du commissariat Massif central, utilise l’image d’un « autocar sur rail ».

Environ trente places assises et surtout un poids de 7 à 12 tonnes, soit cinq fois moins qu’un autorail TER actuel : assemblés par deux ou trois, les autorails X73500 qui circulent sur le réseau limousin, forment des trains de 100 à 150 tonnes.

Une navette dix fois moins lourde n’a pas du tout le même impact sur l’infrastructure ferroviaire : « Le coût de régénération de la voie est deux à trois fois moindre, hors ouvrages d’art, que pour un TER », évalue Bruno Depresle, co-concepteur du prototype de navette et de service NGV rail. « 40 % d’économie sur les trajets domicile-travail »

Cette navette peut-elle être compétitive par rapport à la voiture individuelle ?

Sa vocation est justement d’offrir une alternative crédible aux ruraux pour leurs déplacements quotidiens. Une sorte de RER campagnard (la bousculade en moins) à la fois rapide, économique et sûr…

« C’est prendre le contre-pied d’une offre ferroviaire très dégradée sur les petites lignes. Notamment dans le Massif central où les voies n’ont pas été suffisamment entretenues : actuellement, il n’y a parfois qu’un un train par jour, qui roule à 60 km/h, voire 30 km/h, à un horaire inadapté. Ce n’est plus compétitif », décrit Christophe Russ.

Sept à huit allers et retours quotidients entre Guéret et Felletin

À l’issue de son étude sur la ligne Guéret-Felletin, Bruno Depresle envisage : « un cadencement élevé. Sept à huit allers et retours quotidiens. Avec une vitesse moyenne de 70 km/heure pour les premiers prototypes, qui pourrait s’élever par la suite. Cela peut répondre aux besoins de déplacement domicile-travail, mais aussi à ceux des personnes âgées et des scolaires ».

NGV rail imagine ainsi « un service de voiturettes électriques permettant aux usagers de faire le trajet gare-domicile ». Bruno Depresle cite le chiffre de « 230 euros par mois. C’est e coût moyen mensuel des trajets domicile-travail pour les ruraux. On peut le faire baisser de 40 %. Et il y aura en sus une contribution employeur ».

Les secrétaire d'Etat aux transports Jean-Baptiste Djebbari va bientôt révéler le contenu du rapport Philizot sur les petites lignes ( octobre 2019)

Le coût d’exploitation peut-il être à l’équilibre ?


Actuellement 80 % du déficit de fonctionnement des TER est pris en charge par la collectivité (en l’occurrence les régions). Bruno Depresle ne met pas l’accent sur l’économie en personnel : « Des téléconducteurs pourront piloter à distance la machine, voire plusieurs navettes à la fois. Cela créera des emplois et contribuera à alimenter le réseau SNCF principal

Est-ce vraiment un moyen de transport favorisant la « transition écologique » ?

Le prototype de navette NGV rail claironne une empreinte carbone de 2 g de CO2 par kilomètre et par voyageur. À titre de comparaison, une voiture diesel émet 142 g de CO2 par km.

Photovoltaïque et batteries ou hydrogène ?

Le projet Guéret-Felletin mise sur une navette électrique « qui peut fonctionner avec juste le double de batteries qu’une voiture Tesla », assure Bruno Depresle. Batteries rechargées avec de l’« énergie locale » : des panneaux photovoltaïques installés dans les gares ou sous forme d’ombrières. Pas d’hydrogène dans ce projet « afin de le rendre plus rapidement réalisable ».

En revanche, l’étude à l’échelle Massif central privilégie cette énergie : « un moteur à hydrogène se recharge en cinq minutes », laisse entendre Christophe Russ. Parmi les vertus du projet pour la Creuse, il y a aussi le transport de micro-frêt local, favorisant les circuits courts ainsi que la régénération des bourgs irrigués par un moyen de transport attractif…

Cette technologie est-elle parfaitement sûre ?

Comme le rappelle Bruno Depresle, co-concepteur du projet NGV rail : « le premier métro automatique au monde, le VAL, a transporté ses premiers voyageurs à Lille en 1983 ». À la différence des véhicules autonomes routiers, les trains autonomes n’ont pas besoin d’être guidés par l’intelligence artificielle, qui n’est vouée qu’à la sécurité.

Sur la question des passages à niveau, Christophe Russ estime que la « 5 G offrira une réactivité nettement supérieure au système de contrôle électromécanique actuel ». La navette NGV rail serait dotée à la fois d’un radar et d’une caméra thermique.

Est-ce très futuriste ou réalisable à brève échéance ?


« Toutes les technologies nécessaires existent déjà, il faut les assembler » estime Christophe Russ. Chez NGV rail, on parle de « technologies à bas coût. Les plans de fabrication des navettes seront ouverts à des établissements publics, à des PME ». En fonction de la réponse des pouvoirs publics, la première navette pourrait être en service en Creuse… dès 2024.

Christophe Russ ne donne pas de date mais, pour lui : « le plus compliqué, c’est de faire évoluer la signalisation ». Même si la SNCF est « ouverte à l’expérimentation », ces navettes autonomes ne sont pas prévues pour coexister sur des voies avec des trains TER classiques. Le préalable est donc que les régions abandonnent des tronçons à ces « autocars sur rails ». Et qu’elles acceptent de financer l’expérimentation.

Qui est derrière cette innovation ?

Cinq « petites lignes » sont en lice pour accueillir l’expérimentation « navette autonome ferroviaire » du Massif central : Figeac-Rodez, Brive-Aurillac, Guéret-Felletin, Clermont-Ferrand-La Bourboule et le “H” lozérien (Le Monestier-La Bastide).

Longues de 50 à 100 km, ces lignes ont des caractéristiques très proches.
L’étude commandée par le commissariat Massif central (antenne territorialisée du Commissariat général à l’égalité des territoires) vient d’être livrée par quatre étudiants de l’école nationale des Ponts et chaussées.

Une étude supervisée par la fédération Ecosyst’M, qui travaille sur des solutions innovantes de mobilité partout en France. Contrairement aux projets de « start-up » qui proposent des prototypes de navette, l’expérimentation Massif central pourrait être réalisée avec du matériel ferroviaire existant en version « allégée ».

Droit d'expérimentation

« La réglementation et les normes ferroviaires sont drastiques. Or, nous avons, au niveau d’un massif, un droit d’expérimentation et donc de dérogation », précise Christophe Russ, du commissariat Massif central.

Prochaine étape : « trouver une gouvernance » pour l’expérimentation, avec les collectivités concernées. En Bretagne, la société Exid concept et développement propose son « Taxirail », dont les caractéristiques sont très proches du projet imaginé pour Guéret-Felletin. Le modèle NGV rail a été bâti à partir de la ligne Guéret-Felletin en Creuse. « Nous n’avons pas d’industriel derrière nous », revendique Bruno Depresle.

Ce haut fonctionnaire du ministère de la transition écologique a des attaches à Saint-Maurice-la-Souterraine. C’est sa passion pour l’aménagement du territoire qui l’a amené à rechercher une solution de mobilité innovante pour les territoires ruraux.

Il a conçu le projet NGV rail en s’associant avec un ingénieur, Philippe Bourguignon, chargé de cours à l’École Polytechnique. Leur étude pratique porte sur la ligne Guéret -Felletin. Pour Bruno Depresle : « C’est reproductible sur toutes les petites lignes en difficulté identifiées par le rapport Spinetta. En Limousin, il y a Limoges-Saint-Yrieix-Brive, par exemple, mais l’impact moindre sur les infrastructures peut laisser envisager la réouverture d’un tronçon comme Ussel-Clermont ».

Un appui politique

En Creuse, les élus, tant Valérie Simonet (DVD), présidente du Conseil départemental, que son prédécesseur, le sénateur Jean-Jacques Lozach (PS), sont d’ardents promoteurs de cette solution innovante.

La préfète de la Creuse, Magali Debatte, et le sous-préfet Philippe Ramon ont intégré la navette autonome dans le Plan particulier pour la Creuse (PPC).

www.lamontagne.fr / Julien Rapegno

  Demander plus d’information…

LinkedIn
Pinterest

Rejoignez nos 155 000 followers (pour IMP)