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La fameuse voiture-lits T2 : histoire d’une belle réussite

Ce fut l’une des reines des trains de nuit des années 70 à 2000. La voiture-lits T2, et sa consœur “germanique” T2S, répondaient à une évolution de la société. Explications

La fameuse voiture-lits T2 : histoire d’une belle réussite
Comme on le sait, l’après-guerre fut marqué petit à petit par la consommation de masse et les voyages pour tous. Alors qu’on inventait dès les années 50 les voitures-couchettes pour satisfaire la clientèle seconde classe, les voitures-lits perpétuaient la bonne cabine classique à trois lits. Si on voulait être à deux, il fallait alors payer un billet de 1ère classe et allonger un supplément, ce qui devenait astronomique pour beaucoup. Par ailleurs, les entreprises historiques, avec les voitures-couchettes, voyaient les trains de nuit s’allonger. Il fallait donc « massifier » au maximum, sans trop sacrifier au confort.

Dans les années 55, un concept astucieux de voiture-lits à cabines à un lit fut créé par l’ingénieur français Pillepich, non pas de la SNCF, mais en tant que chef du service technique de la Compagnie Internationale des Wagons-lits, la CIWL aujourd’hui disparue. Cette voiture-lits dites « P », tout inox pour ceux qui l’ont connue (1), permettait d’aligner 20 cabines à un seul lit, alors qu’une voiture-lits classique n’en alignait que 10. L’astuce consistait à une construction en « T », avec une cabine dite « supérieure » côtoyant une « inférieure ».

Seulement voilà, la suppression de la 3ème classe en 1956-58, initiatives des réseaux, et non de la CIWL, provoqua un « glissement » de la tarification internationale. La clientèle individuelle de nuit, munie jusque-là d’un billet 2ème classe, fut basculée au tarif première classe. Combiné avec un supplément CIWL, le coût total du billet Paris-Nice ou Cologne-Vienne devenait onéreux et dépassait même celui de l’aviation commerciale. Une stagnation des ventes en « single » fut alors constatée, ce qui rendit les voitures-lits « P », à peine sur le marché, rapidement obsolètes.

Fin des années 60, à l’initiative à nouveau de la CIWL, la même architecture de la voiture-lits « P » fut reprise pour, cette fois, loger deux personnes par cabine, dans le but de vendre le produit avec un billet de deuxième classe. La longueur UIC des véhicules, de type X, étant de 26,40m, l’étude n’arriva qu’à placer 18 cabines à deux lits, alignant ainsi une capacité identique à la voiture-lits classique MU (voiture-lits « Universelle » et dérivés…)

Toujours est-il que le marketing avait flairé le bon coup : en 1973, pas loin d’un million de voyageurs avaient acheté des billets en voitures-lits, dont 178.000 rien que sur la liaison Paris-Côte d’Azur, à une époque où le réseau autoroutier commençait à prendre de l’ampleur (2). La recette : un billet de seconde classe et un supplément T2 qui pouvait parfois, d’après la Vie du Rail de l’époque, être moins cher qu’un billet couchette de première classe !

Les 20 premières voitures (5001 à 5020) furent acquises sous contrôle de la CIWL, quand les séries suivantes, soit 88 voitures, furent directement acquises par la SNCF, qui en versa 3 sur le compte de la SNCB. Raison pour laquelle la voiture-lits T2 vînt garnir l’ensemble des trains autos couchettes entre la Belgique et le Sud de la France : elle convenait parfaitement aux couples seuls, souvent des retraités que 1.000 kilomètres rebutent.

En 1971, un pool de voitures-lits fut créé par 9 entreprises historiques, la CIWL se retirant de plus en plus de la gestion technique, en se repliant davantage sur le service à bord.

La « T2 SNCF » ne fut jamais achetée par les entreprises publiques voisines, pas même en Italie. Seule l’Espagne pu acquérir les exemplaires CIWL, après modifications des bogies au bon écartement. Les pays germano-alpins, ainsi que les italiens, avaient aussi la volonté de massifier en serrant un peu plus les compartiments. Ainsi naquit la « T2 S », avec 17 compartiments répartis sur le même plancher, offrant le compartiment voiture-lits le plus spartiate jamais réalisé. Le “S” fait référence au développement technique de Swiss Wagons- und Aufzügefabrik AG Schlieren.

Ces voitures ont aussi été conçues par la CIWL sur base d’une proposition de l’industriel suisse Schlieren mais sont plus récentes puisque les deux premières voitures de cette série ont entamé leur premier grand voyage dans la soirée du 3 février 1975, dans le cadre d’un voyage de presse organisé par les CFF. La DB en a reçu 16, les ÖBB 5, les DSB (Danemark) et les NS (Pays-Bas) 2 exemplaires chacun. Mais ce sont surtout les italiens qui s’accaparèrent le parc avec d’emblée 33 voitures-lits T2S. Au total, 63 voitures-lits T2S en plusieurs lots, construites par Schlieren, Schlinder et surtout, l’italien Casaralta à Bologne. Par la suite, les italiens vont étendre le parc en passant commande de 60 voitures-lits T2S supplémentaires chez Fiat !

Les compartiments le plus petits d’Europe dans cette gamme avaient pour dimensions 1,23m x 1,97m, justifiant également, en configuration « single » le supplément « Spécial Sp » et « Tourist T2 » pour une occupation à deux.

Les T2S se firent plus rares en France, mais on pouvait néanmoins les rencontrer sur le Genève-Nice, le Paris-Florence et le Paris-Francfort. En Belgique, elles n’apparurent que pour remplacer une MU défaillante sur les trains Ostende-Allemagne-Autriche.

Le déclin généralisé dès les années 2000 du trafic des trains de nuit a laissé un vaste parc de T2 à l’abandon, trop cher – selon les entreprises historiques -, à rénover ou simplement entretenir. Seuls les autrichiens, très friands de train de nuit, ont dès 1999 modernisé et transformé des T2S en “AB33” avec onze compartiments à trois lits. En 2003, les CFF se débarrassaient de leurs cinq exemplaires que rachetèrent les ÖBB pour les convertir en “AB32″( WLABmz 75-71.4 / WLAB32s), rénovant deux compartiments en cabine de luxe avec leur propre douche et toilettes, les 13 des compartiments jumeaux restant dans leur taille d’origine. Cette conception sera en partie reprise sur les voitures-lits Comfortline livrées en Allemagne entre 2003 et 2005 (3).

Les italiens ont aussi entamé la rénovation de leurs T2S en déclinant les conforts De Luxe et Excelsior. Finalement, les ÖBB eux-mêmes ont revendus 5 voitures-lits WLABmz 61 à Railpin qui vont maintenant servir pour accompagné la ROLA, route roulante entre Fribourg et Novara, en Italie.

a SNCF n’a en revanche rien prévu comme rénovation de son parc T2. Réformées entre 2002 et 2008, certaines sont parties bien loin des terres françaises, au Maroc, en Serbie, en Roumanie,… En 2017, 2 voitures T2 étaient encore utilisées pour l’équipe qui accompagnait les trains expos sur tout leurs parcours en France. Les rares trains de nuit survivants en France sont aujourd’hui composés de voitures-couchettes, sans rapport avec le confort des T2 SNCF.

La T2 – et T2S -, avaient démocratisé les voitures-lits pour des millions de voyageurs des trains de nuit. Honnêtement, le système de supplément avait de quoi rendre chauve n’importe quel vendeurs ! Aujourd’hui, les trains de nuit se maintiennent tant bien que mal avec du matériel à renouveler. Rendez-vous avec les autrichiens en 2023…

Mediarail / Frédéric de Kemmeter

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