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Railcoop, la coopérative qui veut concurrencer la SNCF

Financée par des sociétaires qui souhaitent développer une alternative à la voiture, la compagnie veut exploiter de nouvelles lignes de train dès 2022. Par Thibaut Déléaz

Et si Lyon et Bordeaux étaient de nouveau reliées par un train direct ? La compagnie Railcoop a annoncé, mercredi 10 juin, avoir déposé auprès de l'Autorité de régulation des transports (ART) son projet d'une ligne de train traversant la France d'est en ouest, profitant de l'ouverture à la concurrence possible dès la fin de l'année. Lyon et Bordeaux seraient reliées d'une traite en six heures quarante-sept d'ici à 2022, via Roanne, Montluçon, Limoges, Périgueux ou encore Libourne.

Si plusieurs opérateurs étrangers ont déjà fait part de leur intention de venir concurrencer la SNCF en France, le projet de Railcoop a la particularité d'être porté par une coopérative. Un projet né « il y a un an et demi dans le Lot, près d'une voie ferrée sur laquelle il n'y a plus de service alors que nous sommes dans une région très dépendante de la voiture », se rappelle le directeur général, Nicolas Debaisieux.


Développer le train face à la voiture


Là où les autres entrants sur le marché français entendent entrer en concurrence frontale avec la compagnie nationale, Railcoop souhaite plutôt « s'inscrire en complémentarité pour développer l'offre ». « La question n'est pas de se partager ce que fait la SNCF, mais d'essayer de prendre des parts de marché à la voiture en développant le ferroviaire. »

L'entreprise est placée sous le statut de SCIC (société coopérative d'intérêt collectif), un statut similaire à celui de société anonyme mais avec quelques contraintes supplémentaires liées au mode de fonctionnement coopératif. Toutes les personnes physiques, morales ou des collectivités peuvent devenir sociétaires en versant la participation de leur choix, mais chaque sociétaire n'a qu'une voix. « Qu'on mette 10 millions d'euros dans l'entreprise ou seulement 100 euros, on a le même poids », résume Nicolas Debaisieux.

Le statut de SCIC impose également de réinvestir au moins 57,5 % des bénéfices. « Nous, ce sera 100 % », prévient d'emblée le directeur général. Pas de dividendes pour les sociétaires, pas plus que de possibilité de spéculer sur la valeur de l'entreprise pour espérer revendre ses parts plus cher : une part garde une valeur fixe. « Il n'y a pas de bénéfice financier direct, mais il y a un impact social et environnemental. »

De 32 sociétaires fin novembre 2019 à sa création, Railcoop en compte désormais près de 500, pour un capital de 170 000 euros. « Depuis l'annonce du dépôt de projet à l'ART, on a vu une explosion du nombre de sociétaires, mais avec une souscription moyenne plus faible », observe Nicolas Debaisieux. Pour le moment, ce sont surtout des personnes physiques qui ont participé, « mais nous sommes en discussion avec des collectivités territoriales qui sont intéressées ». Railcoop espère atteindre 1,5 million d'euros de capitalisation d'ici à la fin de l'année, le seuil nécessaire pour pouvoir demander la licence d'entreprise ferroviaire.


Hubs régionaux de fret


Le projet de ligne Bordeaux-Lyon n'est qu'une facette du projet global de Railcoop. Dès 2021, la coopérative compte également développer un service de fret ferroviaire. « Si on prend l'exemple de Figeac, dans le Lot, où est notre siège, il y a un besoin de fret dans le bassin, mais pas assez pour des trains complets ou des liaisons régulières, explique Nicolas Debaisieux. On pourrait tout regrouper dans des hubs régionaux pour mutualiser les besoins. »

D'autres lignes de transport de voyageurs sont aussi envisagées, comme Metz-Lyon ou Rennes-Toulouse. « On a identifié un manque de lignes province-province, il y a un vrai besoin. » Ce sont les sociétaires qui décideront vers quelles liaisons Railcoop doit se tourner pour la suite.

Mais pourquoi la coopérative réussirait-elle là où la SNCF a renoncé à faire rouler ses trains faute de rentabilité ? D'autant que le nouveau venu souhaite aligner le prix des billets sur celui du covoiturage. Le directeur général assure que des études de marché ont été réalisées, et que la demande existe. « On part aussi d'une feuille blanche, avec une organisation moins lourde et plus flexible que la SNCF qui fait rouler 15 000 trains par jour. » Une souplesse qui permettra d'optimiser les coûts et la maintenance pour faire rouler les trains deux fois plus que chez la compagnie nationale.

« On serait une entreprise normale, cherchant du profit, on ne positionnerait pas sur ces lignes, reconnaît Nicolas Debaisieux. Mais on n'a pas la pression financière des actionnaires, donc on peut accepter d'avoir des marges plus faibles tout en restant viables. »


66 millions d'euros pour l'achat des trains


Pour faire rouler des trains, reste à les acheter. Railcoop s'est porté sur des Régiolis, un modèle d'Alstom déjà très utilisé par la SNCF. Mais, à 11 millions d'euros par rame, à raison de six rames nécessaires pour le Bordeaux-Lyon, la mise de départ est colossale pour la coopérative. « On va les louer auprès de loueurs qui vont les acheter pour nous. Ça nous permet de minimiser le coût de l'accès au matériel et la prise de risque. Eux pourront facilement les revendre si on fait faillite, c'est un modèle de train répandu. »

Mais, avec la crise du Covid-19, les banques ont durci les conditions de financement, et les loueurs risquent d'avoir eux-mêmes un peu plus de mal à investir dans l'achat des trains. « C'est une barrière de plus à l'entrée du marché, regrette Nicolas Debaisieux. Soit l'État se dit que c'est la loi du marché et on accepte de ne pas avoir certaines liaisons, soit on accompagne l'émergence d'acteurs alternatifs pour l'achat de matériel, qui plus est fabriqué en France. »

Maintenant que le projet du Bordeaux-Lyon a été déposé, opérateurs et régions situés sur le trajet ont un mois pour faire un recours. Dans ce cas, l'ART réalisera un test d'équilibre économique pour déterminer si le recours est justifié ou non. Après cette étape et l'obtention de la licence ferroviaire mi-2021 commenceraient le recrutement des 70 équivalents temps plein (conducteurs, agents en gare…) et l'aménagement des gares. Si tout se passe bien, le premier train de voyageurs Railcoop devrait être sur les rails en 2022.

www.lepoint.fr

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