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Cinq candidats pour la “libéralisation” espagnole

Le gestionnaire d’infra espagnol Adif a annoncé la réception de cinq offres – et non quatre comme indiqué vendredi dernier -, pour l’exploitation du train à grande vitesse (AVE) dans les trois corridors soumis à la libéralisation. Les gagnants seront annoncés en principe en mars 2020, après une première pré-sélection en décembre prochain.

Cinq candidats pour la “libéralisation” espagnole
L’Espagne a pris une ligne médiane pour la libéralisation, qui pourrait faire un peu penser aux franchises britanniques. Le royaume a en effet choisi de n’autoriser de nouveaux opérateurs que sur trois lignes et selon le principe de lots. D’où les guillemets du titre…

Trois paquets avec des fréquences différentes ont été mis à l’offre. Le premier correspond à 104 itinéraires par jour, le second à 16 itinéraires et le troisième à cinq. Selon les calculs de l’ADIF, cela représente ainsi une capacité de 167 circulations AVE par direction et par jour, soit 65% de circulations supplémentaires par rapport à l’offre actuelle des trois axes. Pour l’axe Madrid-Barcelone-France, 53 sillons quotidiens ont été proposés, soit 50% de plus que les trafics actuels; pour les axes Madrid-Valence et Alicante, également 53 sillons, soit 40% de plus, et pour l’axe Madrid-Malaga, 61 sillons sont proposés, soit 75% de plus.

À l’exception des projets de Renfe, les entreprises candidates ont refusé de révéler les détails de leurs offres. Adif a toutefois expliqué qu’elle ne pouvait que rapporter le nombre de propositions reçues pour chaque paquet et qu’elle ne pouvait pas préciser qui les avait soumises. Clôturée le 31 octobre, la réception des offres montre l’intérêt :

de la Renfe;
de la SNCF;
du consortium formé par Talgo, Globalia et Trilantic;
de ILSA (Intermodaliad del Levante) avec l’appuis de Trenitalia;
et de Ecorail, associé à Globalvía.

La présentation de cinq offres « fait passer une étape d’une grande importance dans les processus d’ouverture du marché et démontre un succès sans précédent par rapport à l’ensemble de l’UE », a déclaré ce dimanche Isabel Pardo de Vera, la CEO de l’Adif. Oubliant peut-être le cas italien… Dans tous les cas, les candidats pourront ajouter des partenaires à leur projet dans les mois à venir, jusqu’à la signature des accords-cadres en mars 2020. Les autres prétendants qu’étaient la Deutsche Bahn, Flixtrain, Ferrovial, CAF, NTV-Italo ou encore Virgin n’ont pas remis d’offres. Ce replis de certains candidats peut s’expliquer : « Ce sont des contrats pour environ 10 ans, il n’y a aucune visibilité sur les frais et l’investissement requis est important. Le risque est donc élevé », expliquent des connaisseurs du secteur.


Des alliances et des ex-ministres

Renfe a soumis une offre pour le package A, le plus important. Elle est supposée être la seule société à être en mesure d’assumer ce lot, ce qui l’obligerait à augmenter son service actuel de 20%, comme l’indique son plan d’entreprise. Seul hic, la Renfe est déjà en monopole sur cette liaison entre Madrid et Barcelone. Difficile de parler de ‘concurrence’ dans cette optique. La proposition de Renfe – qui possède la plus grande flotte de trains à grande vitesse – est d’augmenter l’offre ferroviaire totale de 31%, passant de 79 liaisons par jour à 104 liaisons à 2021.

La SNCF caresse quant à elle l’ambition de reproduire en Espagne son modèle low cost Ouigo, qui s’étend actuellement sur le réseau français. Le groupe français serait toujours en négociation pour intégrer un partenaire minoritaire à son projet, qui pourrait être Alsa (à ne pas confondre avec ILSA). La SNCF, dont on ne sait pas pour quel lot elle a fait offre, aurait précisé qu’elle n’était pas intéressée par le lot A, le plus important. Mais une surprise n’est jamais à exclure…

Talgo participe également aux offres. Avec sa filiale Motion Rail, présidée par l’ancienne ministre socialiste Elena Salgado, le constructeur de trains s’est finalement allié au groupe de tourisme Globalia et au fonds Trilantic en tant que partenaire financier.

L’offre de ILSA, le quatrième candidat, et suite à sa rupture avec Acciona, a désormais pris langue avec Trenitalia, dont on connait maintenant mieux la stratégie d’internationalisation. Trenitalia est bien placée pour entrer en concurrence en Espagne après des années d’expérience sur le marché libéralisé italien et après avoir été récemment sélectionnée pour exploiter le TGV construit au Royaume-Uni. ILSA, propriété de Air Nostrum, souligne que son allié est considéré comme l’opérateur public européen le plus efficace, avec une rentabilité de plus de 25%.

Le cinquième et dernier, Eco Rail, propriété du groupe andalou Magtel, et Globalvía ​, un groupe présent dans certaines concessions autoroutières, s’associent pour concurrencer Renfe dans l’AVE. Le consortium dispose à sa tête de Magdalena Álvarez, une autre ministre du gouvernement socialiste Zapatero. Elle a joué un rôle actif dans ses contacts avec d’autres sociétés et avec l’Administration espagnole.

De futures alliances ou changement d’alliances ne sont toutefois pas à exclure.


Des dépenses importantes

Le gestionnaire d’infrastructure Adif va maintenant analyser ses offres et publiera, à la mi-décembre, une pré-attribution provisoire. L’octroi final ne sera rendu public qu’en mars 2020, pour un lancement prévu en décembre 2020, ce qui laisse planer quelques doutes. D’une part, contrairement aux franchises britanniques, par ailleurs en voie de restructuration, il n’y a pas en Espagne de mise de fond du gouvernement pour le démarrage des trafics. Les risques sont entièrement à charge des candidats, même avec l’hypothèse d’une baisse des péages ferroviaires. Or, le Fomento, le minsitère des Transports, estime qu’il faudra 1,5 milliards d’euros dans les premières années suivant l’allocation des capacités.

Mais d’autre part, le coût d’utilisation de l’infrastructure ne sont pas la seule chose qui inquiète les futurs opérateurs. Une des grandes questions qui a été posée depuis le début du processus et qui est toujours d’actualité concerne le matériel roulant. Selon les sources d’Adif, la somme de 1,5 milliards d’euros comprend principalement l’achat de matériel roulant pour le démarrage, car il n’y a actuellement aucuns trains à grande vitesse disponibles sur le marché de l’occasion pour couvrir l’augmentation de l’offre exigée par le gestionnaire. Une rame AVE, Talgo ou autre, peut coûter entre 20 et 30 millions d’euros en fonction du constructeur, et le calendrier peut prendre jusqu’à trois ans avant d’être opérationnel. Bien que l’acquisition du matériel roulant soit la principale dépense à laquelle les futurs concurrents de Renfe devront faire face, les entreprises devront également investir dans la maintenance des trains, ce qui inclut la construction d’ateliers. Or cela parait irréaliste aux yeux du régulateur CNMC, lequel précise que : « la loi sur le secteur ferroviaire indique que les compagnies de chemin de fer peuvent demander l’accès aux installations de maintenance et doivent obtenir une réponse ‘de manière non discriminatoire’. » Par ailleurs, il ne faut pas oublier l’embauche de personnel et les frais démarrage.

En clair, il faut pour ainsi dire créer un environnement ferroviaire complet, excepté l’infrastructure. C’est ce qu’avait fait NTV-Italo en Italie, avec son dépôt de Nola, près de Naples. « Nous avons de grandes attentes. Nous croyons en la libéralisation du marché ferroviaire. Ce sera une bonne chose pour le pays, pour lutter contre les gaz à effet de serre, pour l’Adif et pour la Renfe. Le gestionnaire des chemins de fer sera en mesure de tirer profit des 50 milliards d’euros qu’il a déjà investi dans le réseau à grande vitesse. Et Renfe sera en mesure de démontrer son potentiel concurrentiel », rapportait à l’Expansión, José Luis Ábalos, ministre du Développement.

En plus des investissements à fournir par les opérateurs, Adif lancera une série de projets visant à éliminer les goulets d’étranglements dans les gares, notamment les deux gares madrilènes Atocha et Chamartín, afin de pouvoir augmenter davantage leurs capacités et d’ouvrir un nouveau processus de libéralisation. L’achèvement des travaux AVE dans plusieurs villes d’Espagne entraînera également une augmentation de la capacité. Le dossier qui a suscité le plus d’intérêt parmi les différentes entreprises est la connexion entre Madrid et le Pays basque avec l’achèvement du Y basque. Celui-ci n’est pour le moment pas soumis dans l’appel d’offre en cours.

L’Adif a expliqué que l’analyse des demandes serait effectuée par une commission d’évaluation composée de trois équipes de techniciens Adif qui se consacreraient respectivement à l’évaluation administrative, financière et technique de chaque offre. Le gestionnaire d’infra a environ un mois et demi pour effectuer une analyse et sélectionner les opérateurs auxquels une capacité sera attribuée sur le réseau AVE, à la mi-décembre. Par la suite, il signera avec les lauréats des accords-cadres d’allocation de capacités avant le 15 mars 2020.

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