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Comment le train peut-il reconquérir la clientèle d’affaires ?

La clientèle d’affaires a des attentes importantes en matière de voyages. Le train peut conquérir cette clientèle mais sous certaines conditions.

Comment le train peut-il reconquérir la clientèle d’affaires ?

Les voyages d’affaires, sous une forme ou une autre, ont débuté depuis l’avènement du commerce, autant dire depuis la nuit des temps. Les voyages d’affaires peuvent être divisés en deux catégories : les voyages d’affaires individuels, qui comprennent les déplacements réguliers nécessaires à l’accomplissement des tâches liées à l’emploi, et le tourisme d’affaires, qui comprend une variété de réunions et d’événements d’affaires comme les réunions, les incitations, les conférences et les expositions.

Les facilités de déplacements ne sont pas apparues tout de suite après la guerre. C’est ainsi que les chemins de fer ont mis en place en 1957 le concept Trans-Europ-Express (TEE), un réseau de train express uniquement de première classe avec supplément. À cette époque, de nombreuses lignes n’étaient pas encore électrifiées et voyager à l’étranger était encore une habitude réservée une certaine élite et cadres d’entreprises. Les TEE ont poussé le confort jusqu’à offrir un service de secrétariat à bord des trains et, plus tard, la possibilité de téléphoner.

Si les hommes d’affaires voulaient aller plus loin, ils devaient alors prendre un train de nuit et réserver un compartiment pour eux seuls, ce qui induisait de payer un billet de première classe assorti d’un supplément wagon-lits appelé “Single”.

Dans les années 1960, avec l’arrivée de nombreux vols, les voyages d’affaires se sont multipliés dans toute l’Europe. À partir de ce moment, beaucoup d’hommes d’affaires pouvaient faire un aller-retour Paris-Nice, Grenoble ou Bordeaux dans la journée, ce qui rendit le train de plus en plus obsolète.

Aujourd’hui on prend l’avion pour 2 heures de réunions ou pour une demi-journée de séminaire. Cela a permis aux firmes d’avoir des lieux décentralisés selon leur structure. Mais parfois c’est l’État qui est responsable de cette grande consommation de voyages. Ainsi, le gouvernement allemand a lui-même réservé en 2018 un peu moins de 230.000 vols pour ses fonctionnaires, dont 52 % rien qu’entre Berlin et l’aéroport de Cologne-Bonn. Pourquoi cette destination ? Parce que c’est là que se trouvent encore six des quatorze ministères fédéraux allemands.

Les trains ont donc perdu de plus en plus cette clientèle exigeante, qui avait l’avantage d’apporter des revenus confortables aux compagnies ferroviaires. La démocratisation des voyages vers un public de plus en plus large engendra un affaiblissement de l’usage des TEE et une remise en question du modèle, qui migra vers les Intercity à deux classes, puis dans les années 80 aux Eurocity. Les TEE disparurent en 1987, trente ans après leur naissance. Que restait-t-il pour les hommes d’affaires ?

La réponse fut à la fois disruptive – la grande vitesse -, mais aussi classique – copier le modèle aérien sur les rails -, avec réservation et restauration à la place. Il a pu reconquérir une clientèle autrefois perdue, mais qu’est-ce qu’il a fallu comme milliards en investissements pour en arriver là ! Les lignes à grandes vitesse en Europe, malgré leurs similitudes avec une voie ferrée, diffèrent fortement sur certains critères techniques, notamment un plus grand nombre d’ouvrages d’art et de tunnels.

Mais à peine était-il là que le TGV était déjà confronté à deux changements majeurs :

- à partir des années 2000, l’aviation trouva un nouveau business model low cost qui mis les prix sous pression;
- ce nouveau modèle aérien attira un autre public d’affaire, qui n’était plus l’élite des TEE mais des gestionnaires de start-up et des cadres d’entreprises qui n’entendent plus payer des sommes astronomiques pour se déplacer.

Conséquence, malgré l’essor des vidéo-conférences, le rythme des déplacements n’a jamais été aussi intense, tout particulièrement dans le segment des voyages d’affaire, qui faisait le beurre de l’aviation. Les chemins de fer ont dû alors encore une fois offrir des avantages que l’aviation ne pouvait offrir : un accès rapide aux trains sans multiples portiques de sécurité (à l’exception de l’Espagne et d’Eurostar) et surtout, le wifi, qui fut au début quelque chose de difficile mais qui, au fil des années, a su s’améliorer pour transformer le temps de trajet en temps de travail… pour ceux qui le voulaient.

Le temps de trajet jugé “acceptable” par la clientèle d’affaire fut progressivement poussé, d’après certaines enquêtes, à quatre heures. On constatait en même temps une chute considérable de la part de marché de l’aviation sur des liaisons telles que Paris-Marseille, Madrid-Barcelone, Milan-Rome ou même Berlin-Munich.

La crise du corona et la vague verte ont en revanche récemment remis en cause non seulement le modèle aérien mais surtout cette consommation effrénée de trajets en Europe. La crise du Covid-19 a cette fois engendré une forte augmentation du télétravail et des vidéoconférences. En juin 2020, le trafic était moitié moindre dans les trains, malgré une reprise progressive.

Mais la question était de savoir comment diminuer les voyages d’affaire en avion, sur des distances de plus de 1.000 kilomètres. Sur ce segment, le TGV est inopérant et est réservé aux “touristes qui ont le temps”.


La solution du train de nuit ?


Un marché important dans le monde des affaires est celui de l’hôtellerie. Quand un colloque ou un séminaire se déroule de 9h00 à 18h00, souvent l’avion n’est pas adéquat, surtout quand ces événements se déroulent dans de plus petites villes mal desservies. La nuitée à l’hôtel est alors incontournable pour beaucoup de participants.

Il existe pourtant une solution qui pourrait rencontrer certaines exigences de temps : le train de nuit. En effet, la nuit reste une nuit pour tout le monde. Durant 8 heures, vous dormez tout en vous déplaçant, sur 600 ou 1.200 kilomètres. Le temps de trajet n’a ici pas d’importance, puisque le train devient… votre hôtel. Le but est d’arriver à destination vers 7h30 pour le colloque de 9h00. La journée terminée, vous revenez prendre votre “hôtel roulant” le soir pour rentrer chez vous le lendemain. Le gain : deux nuits d’hôtel en moins à charge de votre entreprise.

Mais attention : pour obtenir une qualité maximale, il faut plus de trains de nuit qu’actuellement. Tous doivent comporter une voiture-lit avec cabine privative et wifi. Les tarifs doivent être flexibles jusqu’à la dernière minute. Le service à bord doit être irréprochable. On ne laisse pas la clientèle business au froid sur un quai, mais installé confortablement dans un salon en gare en attendant le train du soir. Ce n’est qu’avec cette qualité qu’on pourra faire venir la clientèle business vers le rail.

Finalement, on peut additionner deux segments pour les voyages d’affaires :

- le TGV pour des distances de 300 à 500 kilomètres;
- le train de nuit pour des distances supérieures.

Avec un tel réseaux, on est assuré de desservir la quasi totalité des grandes villes d’Europe, et de permettre ainsi d’éviter de coûteux voyages en avion.

Mediarail / Frédéric de Kemmeter

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