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SNCF News
Comment la SNCF choisit les trains qui circulent pendant la grève
Face à la mobilisation des cheminots contre la réforme des retraites, la société ferroviaire doit jongler entre différents impératifs pour assurer un maximum de trajets.
Un TGV sur deux, deux TER sur quatre, un Transilien sur cinq… Depuis deux semaines, la litanie des prévisions de trafic de la SNCF tombe chaque jour vers 17 heures pour le lendemain, avec son lot d’usagers mécontents et de grévistes « tenant » le piquet de grève. Derrière ces chiffres se cache une mécanique bien huilée : des « plans de transport » mis à jour quotidiennement pour déterminer quels trains circuleront.A partir du taux de grévistes des cheminots, de contraintes techniques et des réservations, les opérateurs cherchent à optimiser la circulation des trains afin de transporter un maximum de voyageurs. Et, avant le grand chassé-croisé des vacances de fin d’année, leur travail en flux tendu est crucial pour des milliers de voyageurs.
S’assurer que des trains puissent rouler
En premier lieu, « c’est le taux de grévistes au sein de chaque cœur de métier qui compte », rapporte une source au sein de la SNCF. « Par exemple, s’il y a 20 % de grévistes en tout, mais 70 % de conducteurs qui sont grévistes, cela va conditionner plein d’éléments en cascade. » Avec un mouvement social en cours depuis deux semaines, le taux de grévistes peut être estimé en avance, précise une porte-parole de la société ferroviaire. « Pour le moment, il n’y a pas d’amélioration ni de rechute, sauf pour les grandes grèves, comme celle de mardi. ».
La stratégie consiste ensuite à répartir les travailleurs non grévistes « sur des postes-clés » afin de faire circuler un maximum de trains. Car il n’y a pas uniquement besoin de conducteurs et de contrôleurs : toute une chaîne conditionne le départ d’un train. L’entretien des rames, quasi quotidien, est obligatoire. C’est ainsi qu’une grève locale au centre de maintenance des TGV Atlantique avait fortement perturbé la circulation des Paris-Bordeaux ou Paris-Nantes en octobre. Cette fois, la direction s’est préparée : la « maintenance lourde » de rames de TGV avait été avancée afin « d’anticiper » et ainsi de « préserver des rames pour gérer ces périodes de grève et surtout de vacances ».
« La priorité, c’est la sécurité des voyageurs », explique Sandra Thery, la porte-parole de la SNCF en Nouvelle-Aquitaine : un train qui n’a pas été entretenu ne peut pas rouler. Intervient alors le dernier détail technique : les postes d’aiguillage, « qui sont un peu comme des contrôleurs aériens. Si les aiguilleurs ne sont pas là, poursuit-elle, on ne peut pas faire circuler les trains ». La direction essaye donc de rassembler les heures de travail des cheminots non grévistes sur les horaires les plus importants.
Les vendredis et dimanches soir privilégiés
C’est une fois tous ces détails techniques connus que la SNCF peut regarder, dans un second temps, comment transporter le plus de voyageurs possible : il faut choisir quels trains seront supprimés et donc quels seront les trajets prioritaires. Deux aspects entrent en ligne de compte : les horaires (en journée ou en soirée ?) et quelles lignes (directes ou omnibus ?).
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« Pour les vacances de Noël, fait savoir le groupe, on connaît nos pics de réservations : le week-end du 20-22 décembre, de jeudi soir à dimanche soir, et le week-end du 27-28-29, pour le chassé-croisé. On va mettre le paquet sur ces moments-là. » Sur le réseau TER de Bougogne- Franche-Comté, explique sa porte-parole Chloé Roche, « en semaine, on privilégie les trajets domicile-travail, sur les axes de nos abonnés ». Et pour les vacances, explique-t-elle, les trajets du vendredi soir et du dimanche soir sont privilégiés.
« Ce [vendredi] soir par exemple, il y aura davantage de trains Paris-Dijon, Paris-Auxerre ou Lyon-Dijon, pour que les gens puissent rejoindre leur lieu de vacances pour les fêtes. » Et s’ajoute à cela, « en fonction des ressources disponibles », un ajustement des horaires de TER à ceux des TGV maintenus, afin de maintenir les correspondances malgré les suppressions de trains.
« On choisit plutôt les grands axes »
S’ajoute à ces horaires les plus prisés le choix des lignes prioritaires à faire circuler. « On privilégie les destinations déjà préservées, comme les Alpes ou le Sud-Ouest, très prisées pour les vacances, précise une porte-parole de SNCF Voyages. Et on ne va pas toujours en bout de ligne, on choisit plutôt les grands axes : pour un Paris-Hendaye, on va assurer le trajet uniquement jusqu’à Bordeaux afin de favoriser le maximum de rotations de nos trains. »
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Et s’il n’y a pas de nouveau train spécialement affrété à cause de la grève pour en remplacer d’autres, les trains omnibus sont privilégiés aux lignes directes. « Sur la ligne Paris-La Rochelle par exemple, explique une source au sein de l’entreprise, vous allez avoir dans la même journée un Paris-Poitiers-La Rochelle, un Paris-Poitiers-Niort-Surgères-La Rochelle et un Paris-Saint-Pierre-des-Corps-Poitiers-Niort-Surgères-La Rochelle. Sur cet axe, on va privilégier le dernier, dans la mesure où ça permet de déposer le plus de gens possible. »
Enfin, la SNCF joue sur le type de wagons utilisés pour embarquer plus de monde : des trains Ouigo, plus denses, sont utilisés à la place de rames de TGV classiques, et celles à deux niveaux sont également davantage utilisées.
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