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Trains de nuit : commandes massives pour six projets en Europe

Six pays – ou plutôt six opérateurs -, misent en Europe sur de nouveaux trains de nuit par l’achat de matériel roulant neuf.

Trains de nuit : commandes massives pour six projets en Europe

La plupart des projets sont situés sur la moitié Est et Nord de l’Europe. Quatre pays concernés n’ont pas de grande vitesse. Ce sont essentiellement des entreprises historiques qui procèdent à ces achats. L’occasion d’un rapide tour d’horizon.

Une Europe coupée en deux


Norvège, Suède, France, Finlande, Autriche et Italie. Il suffit de tracer une ligne de Trondheim à Palerme pour se rendre compte que cinq des six pays se situent sur la moitié Est de l’Europe. Et nous ne comptons pas la Pologne et les autres sur d’éventuelles commandes à venir.

Les trains de nuit, que l’on pensait atteint d’une lente agonie, restent plus que jamais d’actualité dans cette partie de l’Europe alors que pour la moitié Ouest de l’Europe, dans laquelle on inclue volontairement l’Allemagne, on mise plutôt sur la grande vitesse.

Bien-sûr, nous n’oublions pas les initiatives de Snälltåget en Suède, SNCF en France, Caledonian Sleeper en Grande-Bretagne, RegioJet estival vers la Croatie, ou bientôt European sleeper entre Bruxelles et Berlin. Mais hormis le cas britannique, ces exemples bienvenus utilisent du matériel roulant plutôt ancien, même reconfiguré.

Nous ne parlons ici que des investissements très récents et futurs, ce qui indique que certains opérateurs y ont vu un intérêt.

Les constructeurs des années 60-70 ne sont plus qu’un lointain souvenir


Le matériel roulant, encore et toujours


Des centaines de voitures-couchettes et voitures-lits furent construites dans les années 60 et 70. Les principaux constructeurs de jadis – Nivelles, Carel Fouché, Ansaldo, LHB, Donauwörth et autre Hansa Waggonbau -, ne sont plus qu’un lointain souvenir, absorbés dans les grandes restructurations de l’industrie des années 1990-2000. Talgo, qui avait construit des TrenHotel sur base de ses fameuses rames articulées, n’en construit plus non plus.

Les débuts de la libéralisation ont été marquées par de grands besoins pour les locomotives interopérables d’une part, et pour les automotrices régionales d’autre part, afin d’alimenter les nouveaux candidats qui répondaient aux appels d’offres par du neuf plutôt que du recyclé. Cette politique industrielle sembla avoir mis en sourdine les projets de voiture classique « UIC » comme on en fabriquait encore il y a encore 30 ans.

En réalité pas tout à fait. Siemens, qui rachetait à tour de bras dans les années 90 et 2000, reprit l’usine Simmering-Graz-Pauker (SGP) située à Vienne-Simmering, laquelle est aujourd’hui la seule du groupe allemand à fabriquer de « vraies » voitures.

Plus à l’Est, dans des pays dénués de grande vitesse, on trouve la firme roumaine Astra Vagoane Călători, située à Arad, une survivance d’une ancienne entreprise roumaine, laquelle fabrique toujours des voitures classiques, dont des voitures-lits.

La firme Skoda n’a pas non plus abandonné les voitures tout comme l’espagnol CAF, qui a fournit l’ensemble des voitures du Caledonian Sleeper en Grande-Bretagne. On peut donc dire qu’il reste une petite poignée de constructeurs pour contenter tout le monde.

Obtenir du matériel roulant neuf, plutôt que de l’ancien, est devenu le fil conducteur de six projets en Europe, qui ont tous leurs aspects propres. Avec, on va le voir, quelques innovations.

Autriche


On ne reviendra pas sur la plus grande des commandes, celle des ÖBB. En 2018, les chemins de fer fédéraux autrichiens (ÖBB) et Siemens Mobility signaient un accord-cadre global de plus de 1,5 milliard d’euros, portant notamment sur une commande comportant 13 rames Nightjets de 7 voitures, des rames blocs indéformables, à l’inverse de ce que l’on pratiquait jusqu’ici (des voitures isolées dégroupées et regroupées).

Les ÖBB ont logiquement choisi la gamme ‘Viaggio’ de Siemens, laquelle est justement construite à Vienne-Simmering. Les premières voitures étaient présentées le 6 septembre 2022, coup d’envois des premiers essais pour des rames prévues en priorité sur les flux Vienne-Italie. Les autrichiens innovent avec l’abandon des compartiments à 6 couchettes, ramenés à 4, et surtout par l’adoption de « mini-cabines » individuelles (photo), lesquelles doivent répondre aux demandes de plus en plus affirmées d’intimité de la clientèle individuelle.

Italie


En juin 2022, Trenitalia lançait un appel d’offres pour l’acquisition de nouveau matériel roulant pour les services Intercity Notte à destination de la Sicile. L’accord-cadre porte sur la fourniture d’un maximum de 370 voitures sur une période de cinq ans, avec une quantité minimale garantie de 70 véhicules. Cela parait beaucoup pour la seule destination Sicile, mais rien en dit que Trenitalia n’envisage pas d’autres destinations à terme. La valeur totale de l’accord-cadre est de 732,6 millions d’euros, la commande minimale de 70 voitures devant s’élever à 138,6 millions d’euros.

En Italie, une flotte financée notamment avec l’argent du PNRR


Cette nouvelle flotte est financée par une partie des 200 millions d’euros alloués à Trenitalia pour l’achat de nouveau matériel roulant et, chose intéressante, fait partie du plan national de relance et de résilience de l’Italie (PNRR). L’avis d’appel d’offres ne précisait pas le type de voitures à fournir, mais Trenitalia devrait passer commande auprès d’un seul fournisseur afin de simplifier l’exploitation et la maintenance, tout en préservant l’intégrité de la marque Intercity Notte. La nouvelle flotte de trains de nuit devrait entrer en service à partir de (décembre ?) 2024, ce qui peut paraître serré…

France


Ce n’est pas du côté de la SNCF, mais bien d’un opérateur privé qu’il faut chercher, avec un futur projet dont on sait peu de chose jusqu’ici. Midnight Train veut « réinventer le train de nuit » à prix compétitifs face à l’avion. Il s’agit ici d’une société en mode start-up qui dispose d’un management haut de gamme puisqu’on y trouve, derrière les deux fondateurs Adrien Aumont et Romain Payet, des personnalités comme Franck Gervais, ancien CEO de Thalys ou encore Odile Fagot, ancienne Directrice Transformation & Performance Finances chez SNCF.

Midnight train veut lancer des trains de nuit avec un concept novateur d’hôtel sur rail avec voiture-restaurant et voiture-bar. L’opérateur indique qu’il dispose des finances requises et qu’il a fait le choix d’un constructeur pour son matériel roulant, sans donner plus de précisions à l’heure d’écrire ces lignes.

Jusqu’ici, on connait Midnight train au travers de sa communication de marketing glamour auprès de 60.000 abonnés à sa newsletter et ses réseaux sociaux. L’objectif est « d’installer la marque et de créer du désir avant l’arrivée du produit », explique la société aux Echos.

Il nous faut maintenant remonter sur les rives de la Baltique pour trouver d’autres projets.

Finlande

On connait mal ce pays mais il y a bien des trains de nuit entre la capitale Helsinki, au sud du pays, et la Laponie tout au nord. VR, l’opérateur national finlandais, concluait en décembre 2022 l’acquisition d’une petite flotte de trains de nuit en attribuant un contrat au tchèque Škoda Transtech. Le contrat de 50 millions d’euros porte sur la fabrication et la livraison de 9 voitures-lits, de huit wagons porte-voitures et de pièces de rechange. Les Finlandais, comme les Autrichiens, les Slovaques, les Tchèques et quelques saisonniers, continuent en effet l’exploitation des trains autos-couchettes.

Ce contrat prévoit des options pour l’achat de 30 voitures-lits et de 30 wagons porte-autos supplémentaires. Les Finlandais ont la chance d’avoir déjà en circulation des voitures-lits double étage, grâce à un gabarit d’encombrement très généreux. Le parc actuel comprend 80 voitures-lits et 33 véhicules de transport de voitures.

Il est prévu que le nouveau matériel roulant issu de ce contrat initial avec Škoda Transtech entre en service d’ici à la fin de 2025.

Trois des quatre pays scandinaves ont passé commandes

Suède


La suède compte pas mal de trains de nuit, dont un récent Stockholm-Hambourg lancé en 2022 mais avec des voitures plus anciennes louées chez RDC Deutschland. De son côté, l’opérateur privé Snälltåget (Transdev) fait rouler un Stockholm-Berlin avec des voitures-couchettes et à places assises.

Suite à une décision à l’automne 2022 du Riksdag, le Parlement suédois, Trafikverket s’est vu accorder une facilité de prêt de 3,855 milliards de SEK (356 millions €) par le Bureau de la dette nationale suédoise pour acheter de nouvelles locomotives et de nouvelles voitures. Rappelons qu’en Suède, c’est la société d’État Trafikverket qui détient une grande partie du matériel roulant, pour le relouer ensuite à différents opérateurs.

En mars 2023, Trafikverket devait lancer un appel d’offres pour 16 locomotives et 99 voitures pour le service de train de nuit sous contrat entre Stockholm, le Norrland mais aussi vers l’Allemagne. Une petite polémique amusante s’est insérée dans ce dossier quand quelques politiciens se sont inquiétés de savoir si ces voitures auraient le gabarit suédois ou continental ! Cela influerait sur la longueur des lits. Le gabarit suédois est en effet plus généreux que celui de l’Europe, mais on parle ici de quelques dizaines de centimètres…

L’objectif est de mettre les nouveaux trains en service en 2027-2028.

Norvège

On termine avec un autre pays scandinave qui n’a jamais abandonné tout à fait ses trains de nuit, et qui compte aussi sur le renouveau de ce marché. En Norvège aussi, c’est une société d’État, Norske Tog, qui est propriétaire des rames et les loue. Mais la Norvège semble innover sur plusieurs points.

En février 2023, Norske tog signait un contrat géant avec Stadler. Il s’agit dans un premier temps de 17 rames longue distance sous la marque Flirtnex, avec option jusqu’à 100 rames. Mais la particularité est qu’une partie des rames vont comporter des places couchées en compartiment de 2 ou 4 places. Autre particularité intéressante, en journée, les compartiments des « rames de nuit » pourront être transformés en coin salon fermé pour les familles ou pour les voyageurs d’affaires. C’est une première car jusqu’ici, l’argument généralement entendu était qu’un train de nuit était extrêmement coûteux du fait d’une utilisation exclusive sur le trajet nocturne. Cet argument vole donc en éclat avec le choix de Norske tog de faire opérer ces trains de nuit comme de jour. La dernière particularité est l’entrée du suisse Stadler sur ce marché de trains de nuit, ce qui n’était pas vraiment la spécialité de ce constructeur.

Au final…


D’ici 2030, nous aurons donc le loisir de tester différents trains de nuit d’au moins trois constructeurs (Siemens, Skoda, Stadler), les projets italiens, français et suédois n’étant pas encore formellement attribués à l’heure d’écrire ces lignes.

Puissent ces exemples donner des idées aux pays « du côté l’Atlantique » qui, pour le moment, font le service minimum en la matière, ou ne font plus rien du tout comme en Allemagne ou en Espagne. Le seul exemple est le Caledonian Sleeper britannique dont la formule pourrait parfaitement être développée sur le Continent

Auteur : Frédéric de Kemmeter

www.mediarail.wordpress.com

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